La ligne d’arrivée de la 111e édition sera tracée sur la place Massena à Nice, à quelques coups de pédales de la Promenade des Anglais, et pour la première fois loin des bases parisiennes du Tour de France. Mais avant de connaître ce grand déménagement, l’arrivée de la Grande Boucle avait déjà un peu voyagé dans la capitale et marqué l’histoire de plusieurs lieux. En quatre épisodes, letour.fr revient sur le contexte et les grandes heures des arrivées à Ville d’Avray, au Parc des Princes, au vélodrome de la Cipale et depuis 1975 sur les Champs-Elysées.
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Et la Cipale rime avec Cannibale (III/IV)
L’arrivée finale du Tour voisinait avec le bois de Boulogne lorsqu’elle se tenait au Parc des Princes dans sa version vélodrome. Mais le choix de faire disparaître sa piste en 1967 oblige les organisateurs à mettre le cap à l’est de Paris pour trouver refuge dans le bois de Vincennes. On y trouve le « Vélodrome municipal de Vincennes », quasiment mis en jachère après avoir accueilli des épreuves olympiques des Jeux de 1900 et de 1924, mais dont la piste présente toutes les qualités nécessaires pour l’arrivée de la Grande Boucle de l’époque. Un peu plus à l’étroit que dans leur enceinte regrettée, les services sportifs préparent un contre-la-montre en conclusion de la première expérience à la Cipale. Mais ils ne s’attendent pas au final en apothéose que leur réserve Jan Janssen au terme de l’édition 1968, qui n’a plus passionné les foules après une chute bien handicapante puis un abandon de Raymond Poulidor. Sur les 55,2 km du trajet Melun-Paris, le contexte est idéal pour un chrono à suspense, sachant que le Hollandais n’a que 16’’ de retard sur le porteur du Maillot Jaune Herman Van Springel, et que 9 coureurs au total se tiennent en moins de 2’30’’. Sur la ligne d’arrivée, le chrono annonce le triomphe de Janssen sur son rival belge : c’est la première victoire d’un coureur néerlandais sur le Tour, avec 38’’ d’avance. Comme souvent, c’est Antoine Blondin qui trouve la formule juste en titre de sa chronique du lendemain, « Le fort de Vincennes ». Sa conclusion est également rédigée avec un sens unique de l’à-propos : « Janssen incarne aujourd’hui un nouveau personnage de vainqueur du Tour. Pour tout le monde, c’est le prince Cipale ».
Le contexte est tout autre en 1969, avec les débuts d’Eddy Merckx et une entrée dans la grande arène du cyclisme mondial du « phénomène », qui efface sans surprise toute forme de rivalité, éclabousse de sa puissance et de son talent tous ses poursuivants, dépassés dans les grandes largeurs sur le Ballon d’Alsace, puis en chrono à Divonne-les-Bains, relégués dans les cols des Alpes sur la route de Digne, et plus encore dans les Pyrénées à l’arrivée à Mourenx. En vue de Paris, le contre-la-montre de la Cipale lui tend les bras. Bien entendu, il parachève son premier festival de juillet par une sixième victoire d’étape et débute à la Cipale son règne sur le Tour de France.
Les planètes sont alignées pour Luis Ocana en 1973
Au début des années 70, le paysage du cyclisme est dominé par un seul homme. Malgré la concurrence de rivaux de premier ordre comme Raymond Poulidor, Luis Ocana ou Joop Zoetemelk, l’emprise de Merckx sur les grands tours comme sur les classiques est sans appel. Le « Cannibale » prend très vite ses habitudes du côté du bois de Vincennes, d’autant plus quand le Tour propose un contre-la-montre pour la dernière étape. Un véritable tapis rouge pour le champion belge, qui s’impose devant Ocana en 1970 sur l’exercice final, et bat Joaquim Agostinho encore plus largement en 1971. En 1972, le changement de format permet à son compatriote Willy Teirlinck de s’imposer au sprint sur la 20e étape, mais ne prive pas Eddy Merckx d’une quatrième célébration à la Cipale en quatre participations au Tour.
En 1973, Eddy Merckx s’offre une pause après avoir entre autres gagné en début de saison Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège, le Tour d’Espagne et le Tour d’Italie. Absent du Tour de France, il laisse place à une confrontation qui révèle rapidement son nouveau maître avec Luis Ocana. Les planètes sont alignées pour le leader espagnol de la formation Bic. Dans la dernière journée du Tour, l’Espagnol s’impose le matin dans un chrono versaillais de 16 km, mais l’arrivée à la Cipale est remportée par Bernard Thévenet. Pas de quoi entacher le bonheur d’Ocana, le lointain successeur de Federico Bahamontes au palmarès du Tour de France (1959).
Une page se tourne en 1974. Sur la route, Eddy Merckx est à peine moins impérial que lors de ses précédents succès : les chiffres parlent d’eux-mêmes, il ramasse huit étapes sur sa route, égalant ainsi le record de Charles Pélissier. Une nouvelle fois deuxième, Raymond Poulidor accuse cette fois-ci un retard de 8’04’’. Dans son jardin de la Cipale, le Belge s’impose pour la quatrième fois et soigne ses statistiques. Il égale Jacques Anquetil avec 5 victoires sur le Tour, mais ne sait pas encore que sa série touche à sa fin. On ignore également que la Cipale va très vite passer de mode, une fois que le public aura goûté à la prochaine destination de l’arrivée finale, à savoir les Champs-Elysées. Le vélodrome a quant à lui été rebaptisé Jacques Anquetil en 1987…