A trois jours du premier Grand Départ de l’histoire en Italie, le Tour de France a pris ses quartiers à Florence, précisément au Teatro del Maggio Musicale où sont installés la permanence de l’organisation et centre de presse. La capitale toscane prendra sa place samedi dans la liste des villes étapes italiennes ayant accueilli le peloton du Tour, à l’occasion des 12 éditions où le pays a figuré sur la carte.
Parmi les prétendants au titre de la 111e édition, Remco Evenepoel a été le premier à se prêter au jeu des questions des journalistes, en affichant une grande prudence dans ses ambitions pour sa découverte du Tour de France.
Le séjour du Tour en Italie se présente comme une occasion unique pour les huit coureurs nationaux attendus au départ, avec comme chef de file le champion sacré le week-end dernier, Alberto Bettiol. Le coureur toscan a déjà pu jauger du soutien de ses plus jeunes compatriotes à l’occasion de la traditionnelle conférence de presse des enfants.
Avant de rentrer réellement en action, les coureurs profiteront demain d’un défilé devant les somptueux monuments de Florence pour se rendre à la cérémonie de présentation des équipes sur la place Michelangelo. Frissons garantis.
DOUZE ARRIVÉES DU TOUR EN ITALIE : DE GINO SCIARDIS À EDVALD BOASSON HAGEN
Le Grand Départ et un total de près de 700 kilomètres de course en Italie, c’est une première. Mais les incursions transalpines du Tour de France ont débuté en 1948, par une victoire d’un Italien, Gino Sciardis, à San Remo. Le jeune coureur installé depuis l’adolescence à Bondy s’est ensuite imposé sur le sol français en 1950, cette fois-ci en tant que Français, après avoir demandé sa naturalisation. Sur les onze autres passages du Tour en Italie, six se sont soldés par des victoires de coureurs du pays, de façon flamboyante par Fausto Coppi. Le Campionissimo a gagné à Aoste en 1949, en prenant le Maillot Jaune à Gino Bartali dans l’un des chapitres les plus mémorables de leur rivalité ; puis à Sestrières, au lendemain de sa prise de pouvoir à l'Alpe d'Huez, lui permettant de rentrer en Italie et de s’y imposer vêtu de jaune. Claudio Chiappucci a également triomphé à Sestrières en 1992, avec une offensive épique de plus de 200 kilomètres, tandis que Miguel Indurain parvenait à prendre la tête du classement général. Au XXIe siècle, deux étapes du Tour se sont achevées en Italie, toutes deux conclues avec la victoire d’un coureur échappé : l’une en 2008 à Prato Nevoso avec la victoire de Simon Gerrans ; et l'autre en 2011 à Pinerolo où Edvald Boasson Hagen avait levé les bras. Le coureur norvégien n’a pas été sélectionné pour un 14e Tour, mais quatre coureurs du peloton d'il y a treize ans sont attendus au départ de Florence : Jakob Fuglsang (alors chez Leopard-Trek ; aujourd'hui chez Israel-Premier Tech) ; Geraint Thomas (Sky ; Ineos Grenadiers) ; Mark Cavendish (HTC-High Road ; Astana) ; et Rui Costa (Movistar ; EF Education-EasyPost).
REMCO EVENEPOEL : « POGACAR SERA L’HOMME À BATTRE »
L’heure du grand baptême approche pour Remco Evenepoel, qui découvrira finalement les routes du Tour de France à l’âge de 24 ans, après avoir déjà inscrit à son palmarès la Vuelta en 2022, juste avant de s’imposer aux Mondiaux. Ses faits d’armes le positionnent comme un prétendant très sérieux au podium final, qui sera positionné à Nice sur la place Massena le jour de la fête nationale belge. « Pour l’instant, je sais que je viens pour jouer un rôle au classement général, a confirmé l’intéressé tout en relativisant ses chances face au favori numéro 1. On sait que Tadej Pogacar sera l’homme à battre et que son équipe UAE Emirates veut gagner le plus d’étapes possible, ils veulent montrer qu’ils sont le Real Madrid du vélo ! De mon côté, je suis impatient de découvrir, j’ai confiance en ma préparation et en mon équipe, mais pour l’instant je vais me contenter de voir comment les jambes tournent et de suivre les meilleurs le plus longtemps possible. Il faut que je reste calme, le Tour est long ». Arrivé sur le sol italien en début de matinée, le leader de Soudal-Quick Step conserve des souvenirs de toutes sortes dans le pays du Grand Départ. Il y a connu le pire, avec une terrible chute dans le final du Tour de Lombardie en 2020 qui lui a coûté une longue convalescence. L’Italie lui a aussi valu de beaux moments de joie, comme ses deux victoires sur les chronos du Giro 2023 (dont une à une poignée de kilomètres de Rimini), qu’il a en revanche dû quitter en raison d’un contrôle positif au Covid alors qu’il dominait le classement général. S’il fait volontiers le tri entre ces événements, Remco refuse de donner dans la superstition : « C’est vrai qu’il y a eu des hauts et des bas. Bien sûr le maillot rose c’était le haut, et la sortie de la course avec le Covid, c’était le bas. Mais c’est du passé et comme je ne suis pas superstitieux, cela n’aura pas d’impact sur ce qui se passe dans ma tête ».
LA SQUADRA : HUIT CHASSEURS D’ÉTAPES
Peu de cyclistes apprécieront ce Grand Départ autant qu’Alberto Bettiol. Le coureur d’EF Education-EasyPost est le seul des 176 participants à ce Tour de France à être originaire de Toscane : plus précisément de Castelfiorentino, à une quarantaine de kilomètres de Florence. Pour ne rien gâcher, le vainqueur du Tour des Flandres 2019 a été proclamé champion national italien dimanche dernier... à Sesto Fiorentino, une autre commune autour de la capitale des Médicis, où Bettiol étrennera son maillot « vert-blanc-rouge ». Le débutant Matteo Sobrero bénéficiera d’un autre privilège : la troisième étape traversera sa commune d’origine (Alba) au kilomètre 165. Un deuxième Italien découvre le Tour cette année : le rapide Michele Gazzoli, accompagné chez Astana Qazaqstan par l’expérimenté Davide Ballerini. Giulio Ciccone, porteur du Maillot Jaune pendant deux jours en 2019 et vainqueur du maillot à pois en 2023, avance les chances les plus solides de briller à nouveau, tandis que le puissant Luca Mozzato (Arkéa-B&B), le grimpeur Davide Formolo (Movistar) et le chasseur de classiques Gianni Moscon (Soudal-Quick Step) sont aussi des candidats crédibles à un bouquet. Leur défi commun sera de remporter une étape pour l’Italie, cinq ans après la dernière de Vincenzo Nibali à Val Thorens en 2019.
OTTAVIO BOTTECCHIA, LE PIONNIER
L’histoire du Tour de France débute en 1903 par la victoire du petit ramoneur italien… mais Maurice Garin, bien que né dans le Val d’Aoste, avait déjà la nationalité française lorsqu’il a inauguré le palmarès de l’épreuve. Le véritable pionnier a donc été Ottavio Bottecchia, qui a laissé une empreinte majeure en seulement quatre participations. Dès 1923, il a commencé par s’imposer sur la 2e étape et porter le Maillot Jaune pendant six jours, avant terminer la course au 2e rang du classement général derrière Henri Pélissier. L’année suivante, il n’a laissé à personne la possibilité de le faire douter : vainqueur dès le premier jour, il a porté le Maillot Jaune de bout en bout, une performance qui n’a été réalisée après lui que par Nicolas Frantz (1928) et Romain Maes (1935). Le « maçon du Frioul » s’est même offert le luxe de s’imposer sur le vélodrome du Parc des Princes pour terminer son festival en apothéose. À peine moins dominateur en 1925, Bottecchia a porté son pactole à neuf bouquets et scellé son deuxième titre avec presque 55 minutes d’avance sur le Belge Lucien Buysse, son premier poursuivant. Son périple de 1926 s’est ensuite terminé par un abandon à mi-course, mais il avait bel et bien ouvert la voie à une lignée de vainqueurs italiens du Tour : Gino Bartali (1938-48), Fausto Coppi (1949-52), Gastone Nencini (1960), Felice Gimondi (1965), Marco Pantani (1998) et enfin Vincenzo Nibali (2014).
TROIS ARCS-EN-CIEL FLORENTINS DANS LE PELOTON DU TOUR
La Toscane est un haut lieu du cyclisme, qui a par exemple donné naissance à deux vainqueurs du Tour de France, « Le Lion » Gastone Nencini (originaire de Mugello) et « Le Pieux » Gino Bartali (né dans le quartier florentin de Ponte a Ema). La course historique Firenze-Pistoia, dont la première édition s’est tenue en 1870, a été la première course cycliste organisée en Italie, transformée en contre-la-montre individuel jusqu’en 2008. De nos jours, deux grandes courses sont organisées en Toscane : la Premondiale, une course féminine, et le Giro della Toscana, une semi-classique dont le dernier vainqueur, Pavel Sivakov, fera partie des équipiers de Tadej Pogacar chez UAE Emirates. Surtout Florence a accueilli les championnats du monde en 2013. Il se trouve que les trois vainqueurs de cette édition figurent sur la liste des engagés du Tour 2024 : Mathieu Van der Poel, qui avait remporté la course juniors devant Mads Pedersen ; Matej Mohoric, qui était devenu champion du monde espoirs en battant Louis Meintjes ; et Rui Costa, qui a remporté le maillot arc-en-ciel de l’élite. « C'était une journée parfaite, se souvient le Portugais qui s’est aussi procuré un habit de prestige le week-end dernier en remportant pour la troisième fois le titre national. Depuis mon enfance, je rêvais d’être champion du monde, mais même ce matin-là, la possibilité d’y parvenir ne m’avait pas effleuré l’esprit. Pourtant, toutes les circonstances étaient réunies pour que je sois champion du monde ».
BETTIOL ET MOZZATO, FACE À LA RELÈVE
Une centaine d’écoliers ont été conviés dans la salle nouvellement baptisée Eddy Merckx du Teatro del Maggio Musicale, pour la conférence de presse des enfants, où ils ont pu jouer aux apprentis journalistes avec Alberto Bettiol et Luca Mozzato, accompagnés de l’ancien coureur et commentateur de télévision Davide Cassani. Première question d’une fillette enthousiaste : « Est-ce que nous, les femmes, pouvons courir le Tour de France ? », ce à quoi Cassani a répondu que oui, le Tour de France Femmes avec Zwift existe depuis 2022. Les enfants ont ensuite parlé tactique (« que se passe-t-il si le leader tombe ? »), nutrition (« combien de bouteilles buvez-vous pendant chaque étape ? »), ou encore règlement (« y a-t-il des mouvements interdits sur le vélo ? »). La question a donné l’occasion à Luca Mozzato de s’exprimer sur la difficulté de la vie de cycliste : « Ce qui me manque le plus, c’est le tiramisu ». Le champion d’Italie a quant à lui a déclaré avoir perdu bêtement une étape du Giro : « Je vérifiais la distance restante jusqu'à la ligne d'arrivée sur mon GPS… ce jour-là, j'ai appris qu'au lieu de regarder l’écran, il ne fallait pas quitter la route des yeux ! ». Enfin, une autre fillette qui semblait s’inquiéter de son petit gabarit a été rassurée par les champions : « Ne vous inquiétez pas de votre taille, vous pouvez tous être cyclistes ».
SANTINI JOUE À DOMICILE
Depuis l’édition 2022, la confection de tous les maillots distinctifs du Tour de France et des collections spéciales réalisées sur une ou plusieurs étapes a été confiée à Santini. L’équipementier basé à Bergame a saisi l’opportunité du premier Grand Départ d’Italie pour dessiner trois maillots mettant à l’honneur les villes visitées dans les premiers jours. C’est bien sûr une tonalité Renaissance qui a été donnée au maillot « Firenze », orné d’une fleur de lys qui est également le symbole de la capitale toscane. Le maillot dédié à Bologne table sur les couleurs de son club de football, champion d’Italie à sept reprises, sans oublier le trident de la fontaine de Neptune et un léger clin d’œil aux tagliatelles à la bolognaise. Pour la troisième étape, le maillot de « Torino » rappelle surtout la grandeur historique de la première capitale du royaume d’Italie, représentée par le Mole Antonelliana, emblème de la ville tout autant que son anima totem, le taureau, fièrement affiché sur le dos du maillot. Plusieurs autres maillots ont été conçus par Santini ensuivant le parcours 2024, se terminant naturellement par un maillot niçois, avec parasols et soleil au programme.
L’intégralité des collections Tour de France et Tour de France Femmes avec Zwift de Santini, à retrouver ici : Santini Cycling Wear