Ils sont bien loin des records d’Eddy Merckx, beaucoup moins réputés que les trois autres quintuples vainqueurs du Tour, Jacques Anquetil, Bernard Hinault et Miguel Indurain. Au total, 67 coureurs ont porté le Maillot Jaune une seule journée (ou moins) durant toute leur carrière et incarnent aussi à leur façon un message d’excellence mêlé d’humilité. Sur le Tour 1971, c’est un peu par hasard que le Hollandais Marinus Wagtmans a déshabillé son leader Eddy Merckx du Maillot Jaune… le temps d’un tiers d’étape !
En 1971, le « Merckxisme » bat son plein. Double tenant du titre sur la Grande Boucle, le Belge s’est (encore) imposé sur Milan-San Remo et Liège-Bastogne-Liège en début d’année et a de plus recruté des lieutenants de tout premier rang pour le seconder. Les maillots de la Molteni, la nouvelle équipe d’Eddy Merckx, accueillent en effet Herman Van Springel (2e du Tour 1968) et Marinus Wagtmans (6e en 1969, 5e en 1970), des renforts qui amenuisent encore les maigres espoirs de la concurrence, bien que Luis Ocaña se soit montré conquérant sur le récent Critérium du Dauphiné Libéré. Quoi qu’il en soit, la supériorité de la formation italo-belge et de son leader s’exprime déjà avec force sur le prologue disputé par équipes… et dont Merckx sort en jaune.
La journée du lendemain se dispute sur un format très particulier, répondant à des considérations politico-sportives liées à la candidature de la Regio* pour l’organisation des premiers jeux européens. Il a ainsi été convenu que trois courses seraient prévues ce jour-là, avec des arrivées à Bâle la Suisse, Fribourg l’Allemande et Mulhouse la Française. La course par étapes dans l’étape fait grincer des dents dans le peloton, mais on se lance bel et bien dans le triptyque dès potron-minet. Sur le premier tronçon, c’est à l’addition des places après le sprint remporté par Eric Leman que l’on calcule le classement général… et Marinus Wagtmans devance sans s’en rendre compte ses camarades de la bande Molteni.
La petite aventure en jaune de « Rini » se joue donc entre Bâle et Fribourg, pendant 90 kilomètres. Mais le Cannibale ne se montre pas partageur, y compris avec son jeune collègue, et se rue dès le kilomètre 7 sur un « point chaud Miko » où 5 secondes de bonifs récompensent le premier. Une fois sur la ligne d’arrivée, l’écart est encore bien supérieur avec Wagtmans, qui n’aura donc passé que 2h29’31’’ vêtu du Maillot Jaune. Ce qui ne fait pas du Néerlandais le recordman absolu de brièveté en jaune, puisque plusieurs coureurs ne l’ont porté que le temps d’un contre-la-montre, le plus rapide ayant été Patrick Sercu, qui n’a roulé qu’un peu plus de 11 minutes avec le Maillot Jaune lors du mini-chrono par équipes disputé à Harelbeke sur 9 km pendant le Tour 1974. Toutefois, Wagtmans n’a pas emporté que ce court souvenir doré du Tour 1971, sur lequel il a aussi remporté l’étape de Nancy et atteint Paris en 16e position au général… à distance respectable d’Eddy !
* : abréviation de l’expression latine Regio Basiliensis, désignant la Région de Bâle.
Les épisodes précédents, à relire ou à découvrir :
. 1931 : Max Bulla (I/X)
. 1939 : Amédée Fournier (II/X)
. 1952 : Andrea Carrea (III/X)
. 1962 : Tom Simpson (IV/X)
. 1968 : Jean-Pierre Genet (V/X)