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Frissons à tous les étages…

Le podium du Tour de France 2019, dominé par le plus jeune vainqueur du Maillot Jaune final de l’histoire, Egan Bernal, devant son coéquipier chez Ineos Geraint Thomas et le Néerlandais Steven Kruijswijk, s’est construit tout au long de trois semaines de rebondissements. Le long séjour en jaune de Julian Alaphilippe a donné à la course un piment inattendu, tout comme les fulgurances de Thibaut Pinot avant son abandon à deux jours de l’arrivée. Peter Sagan a accompli sa mission de rapporter un 7e maillot vert record à Paris, tandis que les sprinteurs ont en partie subi la loi de Caleb Ewan, avec trois victoires pour sa première participation, dont la plus prestigieuse aux Champs-Elysées. Romain Bardet, en retrait dans la lutte pour le titre (15e), a toutefois achevé son 7e tour sur le podium et sur une bonne note, grâce à son premier maillot à pois.         

Les Français en conquête

L’attente se poursuit. On ne connaît toujours pas le nom du successeur de Bernard Hinault, dernier vainqueur français de la Grande Boucle en 1985. Mais tout au long de l’édition 2019, deux d’entre eux se sont positionnés comme des prétendants de plus en plus crédibles, dans des registres très différents. Avant tout redoutable chasseur de classiques et d’étapes, Julian Alaphilippe s’est rué sur la première à sa portée, sur les hauteurs d’Epernay, enfilant un Maillot Jaune qui lui tendait les bras, mais avec lequel personne ne lui aurait a priori prêté une si longue aventure. Bien qu’il l’ait cédé le temps d’un court intermède Giulio Ciccone, le Montluçonnais s’est très vite rebellé à Saint-Etienne, où il a repris possession du Maillot, avec la perspective déjà ambitieuse de le conserver jusqu’aux Pyrénées. Il ne se contente pas d’y sauver sa position au sommet, mais accroit à la sortie du premier gros massif montagneux son avantage sur Geraint Thomas, en ayant au passage ajouté à son palmarès une victoire sur le chrono de Pau, résisté avec les favoris au col du Tourmalet et à peine flanché sur les pentes du Prat-d’Albis avant la journée de repos. Ce n’est que dans les Alpes que « Loulou » a faibli, sur un terrain où il a logiquement cédé sa place à Egan Bernal, bien qu’un pays tout entier ou presque semblait capable de le porter jusqu’à Paris dans la même tenue.

Dans le même temps, les meilleures chances françaises étaient surtout incarnées pas Thibaut Pinot, certes contraint à faire la course à distance après avoir perdu 1’40’’ dans les bordures sur l’étape d’Albi, mais dont les chances de retourner la course à son avantage paraissaient bien réelles après sa démonstration de force sur les pentes du Tourmalet. Même 4e du classement général en abordant les Alpes, le Français faisait figure de favori, après avoir affiché un tempérament conquérant et une santé de feu. C’est pourtant bien la santé qui l’a arrêté, en l’occurrence une déchirure musculaire à la jambe gauche qui ne lui a laissé d’autre choix que l’abandon, dans l’étape de Tignes qui aurait pu être celle de tous les succès pour le Franc-Comtois. Mais avec des « si »…

Sur deux étapes amputées mais décisives, en route vers Tignes et Val Thorens c’est donc un nouveau podium qui s’est dessiné, avec Egan Bernal en super-héros colombien, suivi de son coéquipier chez Ineos Geraint Thomas, et de Steven Kruijswijk dont la formation Jumbo-Visma a été omniprésente sur le Tour. Ce sont eux qui ont achevé d’éjecter « Alaf » du podium, alors qu’il était encore 2e du classement général au pied de la montée finale vers la station la plus haute d’Europe.  
 

Sagan, le record

De lutte pour le maillot vert, il n’y en eut point ! Le classement a certes été dominé le temps d’une journée par Mike Teunissen, vainqueur de la première étape, mais c’est bien Peter Sagan qui endossait le maillot vert dès le lendemain, pour ne plus l’enlever jusqu’au podium des Champs-Elysées. Le Slovaque a encore une fois mis tout son appétit au service de la collecte des points, se lançant dans des échappées pour disputer les sprint intermédiaires, enchaînant les places d’honneur derrière les sprinteurs plus rapides que lui pour « scorer » en toutes circonstances. Parfait connaisseur des subtilités du classement de la régularité, le triple champion du monde n’a remporté qu’une seule étape, à Colmar, mais s’est positionné à 9 reprises dans le Top 5 des étapes.

Au total, Sagan dispose d’un avantage pas si anecdotique de 68 points sur Caleb Ewan (voir plus bas), et bat surtout le record d’Erik Zabel en ramenant pour la septième fois le maillot vert à Paris. Au passage, la douzième étape gagnée par le coureur de Bora lui permet d’égaler l’ancien sprinteur allemand, ce qui le place également au niveau de Robbie McEwen et de Mario Cipollini, pour s’en tenir aux sprinteurs. Série en cours…

Les pois pour Bardet

Le maillot à pois a longtemps pris l’accent belge sur la lancée du Grand Départ de Bruxelles. D’abord par Greg Van Avermaet, qui est allé le chercher sur le Mur de Grammont où il a ses habitudes en tant que Flandrien hors-pair. Puis avec Tim Wellens, qui s’est trouvé un rôle correspondant à ses capacités de coureur complet, capable de batailler dans des échappées sur des parcours accidentés. Fin stratège, le coureur de Lotto-Soudal a su distiller ses efforts savamment pour conserver au total le maillot à pois durant 15 jours, ce qu’aucun de ses compatriotes n’avait fait depuis Lucien Van Impe.

Wellens s’est tout de même heurté à ses limites en pénétrant dans les Alpes. Bien qu’il ait réussi à intégrer l’échappée qui lui a permis de marquer ses derniers points en passant en tête au col de Vars, c’est bien Romain Bardet qui profitait de l’étape de Valloire pour signer la plus belle collecte au classement des grimpeurs. Les deux étapes restantes promettaient une bataille des pois grande ouverte, mais leur raccourcissement a aidé le Français, moins en jambes que d’habitude, à défendre sa position à peu de frais. « Poteau rentrant », a-t-il ironisé pour décrire la part de réussite dont il a bénéficié pour conserver le maillot à pois jusqu’au bout et monter sur le podium des Champs-Elysées pour la cinquième fois en sept participations au Tour.

Ewan, au rendez-vous

On l’appelle « Pocket Rocket », en raison de son petit gabarit et de son style explosif qui ne manquent pas de rappeler Mark Cavendish, le plus gros vainqueur d’étapes du Tour encore en activité avec 30 succès. Caleb Ewan trépignait d’impatience pour participer à son premier Tour de France. Il envisageait même de frapper fort d’entrée, avec un Maillot Jaune promis à un sprinteur à Bruxelles. Mais les débuts de l’Australien ont finalement été plus laborieux que prévus. Toujours en jambes sans être réellement dans le coup, il a enchaîné 4 places sur le podium et autant de frustrations sur ses premiers sprints massifs à Bruxelles (3e), à Nancy (3e), à Chalon-sur-Saône (2e) et à Albi (3e), avant de trouver le chemin du succès à Toulouse.

C’est dans la préfecture de Haute-Garonne que la trajectoire d’Ewan rejoint celle de « Cav », qui avait commencé à gagner des étapes du Tour à 25 ans également, en 2008. Justement, vainqueur à Toulouse comme Cavendish, le jeune australien récidivait quelques jours plus tard à Nîmes, où son modèle s’était aussi imposé il y a 11 ans. Surtout, Caleb a terminé en apothéose son Tour de France en domptant ses rivaux sur les Champs-Elysées. Lors de sa première visite à Paris alors qu’il n’avait que 17 ans, il s’était rendu sur l’avenue qui fait rêver tous les sprinteurs, promettant d’y lever un jour les bras. Voilà qui est fait, à la première tentative. L’avertissement est aussi lancé en direction de Peter Sagan, qui voit certainement percer son rival le plus sérieux pour le maillot vert dans les prochaines années.

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