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Nibali, c'est la totale !

Il sait donc tout faire… et avec la manière. Sa virtuosité et sa puissance sur son vélo étant aussi associées à une certaine forme de discrétion, il aura fallu que Vincenzo Nibali devienne le sixième coureur de l’histoire à remporter les trois grands tours pour que son talent s’impose comme une évidence aux yeux de tous. Le récital donné tout au long des trois semaines de course rappelle pourtant que le champion d’Italie maîtrise toutes les facettes d’un cyclisme qu’il revendique comme pluriel, et  même total. Le Tour de France est devenu pour Nibali l’enjeu d’une consécration ultime et incontournable. Le processus de maturation qui l’a mené à l’aboutissement s’est toutefois émancipé de l’obsession permanente de la Grande Boucle. Ce n’est pas dans l’espoir de terrasser le jour venu ses rivaux de juillet, mais bien par appétit des montées abruptes comme Peña Cabarga en Cantabrie ou Valdepeñas de Jaen en bordure de Sierra Nevada qu’il avait conquis son premier titre majeur, sur la Vuelta 2010. De même, les rêves de jaune n’ont pas nourri sa quête du maillot rose, ancrée dans son ADN de jeune Sicilien bercé par les exploits de Francesco Moser, et concrétisée par une victoire modèle du Giro en mai 2013.

Une fois mentalement et physiquement taillé pour camper le personnage de patron du Tour, Nibali a pu exploiter son potentiel chaque fois que l’occasion lui a été donnée lors de l’édition 2014, en assument pleinement toutes les conséquences. A Sheffield, dès le final de la 2ème étape, c’est son instinct de chasseur de classiques, encore peu récompensé sur les rendez-vous du printemps (2ème de Liège-Bastogne-Liège 2012 tout de même), qui lui a permis de s’installer en tête du classement général. La réelle démonstration a toutefois débuté sur un terrain inattendu, trois jours plus tard : avec ses coéquipiers Fuglsang et Westra, le Maillot Jaune se transforme en acrobate des pavés, insensible aux glissades et aux tremblements qui éloignent déjà ses principaux poursuivants de deux minutes ou plus, qu’il s’agisse de Contador, de Valverde, de Van Garderen, de Talansky ou du trio de Français qui se montrent encore discrets.

Dans les Pyrénées, Nibali
reste insaisissable… et insatiable

Le Requin est avant tout un grimpeur, capable de croquer des secondes par dizaines quand la pente se durcit. Sans profiter de l’intégralité de l’ascension finale, mais simplement des 3 derniers kilomètres menant à La Planche des Belles Filles, le leader d’Astana fait une nouvelle fois la différence, reprenant le Maillot Jaune cédé le temps d’une étape à Tony Gallopin. La station de Haute-Saône qui avait sacré Chris Froome en 2012, est alors domptée par Nibali. Et le voltigeur des cimes ne saurait s’arrêter après une si belle prise d’élan. Le programme alpin offre deux arrivées en sommet : à Chamrousse, il saisit l’opportunité de s’offrir une victoire vêtu de son Maillot Jaune, et d’empiler les minutes de marge sur ses poursuivants (déjà 3’37’’ sur Valverde, 2ème) ; à Risoul, il continue le matraquage psychologique et chronométrique, sans écœurer le jeune Rafal Majka dans son entreprise de conquête du maillot à pois.

Sans trop y croire, chacun guette l’éventualité d’une défaillance en troisième semaine, en entrant dans la zone des incertitudes et des mystères. Dans les Pyrénées, Nibali reste au contraire insaisissable… et insatiable. Sur la dernière étape de montagne, le patron enfonce le clou, se paye son démarrage le plus lointain avec 10 kilomètres d’ascension solitaire jusqu’à l’arrivée à Hautacam, site de sa quatrième victoire d’étape. Chez Vincenzo, tout est carré ! Son sens de l’honneur lui a indiqué de répondre à une accélération de Chris Horner, son rival de la Vuelta 2013. La même fibre tout italienne lui commande de respecter jusqu’au bout le Maillot Jaune tant désiré, y compris lorsqu’il se trouve hors de danger. La quatrième place conquise sur le chrono de Bergerac-Périgueux derrière trois énormes rouleurs rappelle que le bébé requin avait aussi été médaillé de bronze de la spécialité aux Mondiaux (juniors en 2002, espoirs en 2004). Puisqu’on vous dit qu’il sait tout faire… 

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