L’Australie a attendu trente ans après la prise de pouvoir (éphémère) de Phil Anderson dans le Tour de France en plein règne de Bernard Hinault (le 30 juin 1981 à Saint-Lary-Soulan) avant d’avoir une équipe à identité nationale sur la Grande Boucle.
Les coureurs des antipodes se sont bâtis, dans les années 90 et 2000, une réputation de pionniers mais aussi de mercenaires car ils n’avaient d’autre alternative que de frapper à la porte des équipes européennes et américaines pour disputer le Tour de France. Entre Phil Anderson et Cadel Evans, premier vainqueur du Tour (2011) venu de l’hémisphère sud, Stuart O’Grady, Bradley McGee et Robbie McEwen ont porté le Maillot Jaune et le Tour de France a connu un véritable boom aux antipodes, donnant naissance, en 2012, à la première équipe australienne de premier plan.
Dénommée GreenEdge (le coin vert, pour son message écolo et l’une des couleurs nationales, l’autre étant l’or), elle a bénéficié du financement de l’homme d’affaires Gerry Ryan, fabricant de caravanes et entrepreneur de spectacles (entre autres), qui parrainait courses et coureurs en Australie depuis vingt ans. Très vite, un sponsor est accouru : Orica, société de l’industrie minière.
Après un premier Tour de France guère couronné de succès, son sprinteur, Matt Goss, apparaissant cinq fois dans le tiercé (2e à Saint-Quentin et Brive-la-Gaillarde, 3e à Tournai, Metz et Paris) mais sans jamais s’imposer, l’équipe managée pendant neuf ans par Shayne Bannan est apparue au grand jour en 2013 avec le fameux épisode du bus encastré sous l’arche d’arrivée de la première étape mais plus encore par la victoire dans le contre-la-montre par équipes de Nice et le passage du Maillot Jaune des épaules de Simon Gerrans, ancien poulain de Phil Anderson, à celles de Daryl Impey, premier Africain leader du Tour de France !
Les deux années suivantes, elle a été frappée par la malchance. En 2014, suite à la chute de Michael Matthews avant le Grand Départ de Leeds puis celle de Simon Gerrans, mis à terre par Mark Cavendish dès la première étape, sa meilleure place a été la quatrième de Michael Albasini à Saint-Étienne. En 2015, Matthews et Gerrans, encore, plus Daryl Impey et Albasini, ont chuté lourdement au cours de la troisième étape.
La roue de la fortune a de nouveau tourné dans le bon sens en 2016 dès lors que Matthews a vaincu la malédiction pour remporter, à Revel, sa première étape du Tour. Tout près d’endosser le Maillot Jaune au Ventoux, Adam Yates a apporté à Orica son premier titre distinctif sur les Champs-Elysées, sa quatrième place au général étant aussi celle du meilleur jeune. Fait unique dans les annales : son frère Simon lui a succédé au palmarès du maillot blanc en 2017.
Avec les jumeaux anglais et le grimpeur australien Jack Haig, venu du VTT comme Cadel Evans, l’équipe devenue Mitchelton puis BikeExchange-Jayco, autres sociétés appartenant à Gerry Ryan, a déplacé ses compétences du sprint, sa spécialité d’origine, vers la montagne, sans pour autant briller au classement général, Adam Yates, le leader désigné pour cela, s’étant classé 29e aussi bien en 2019 qu’en 2018.
Mais les quatre victoires d’étapes du Tour 2019 ainsi que les quatre jours en jaune d’Adam Yates en 2020 ont effacé toute forme de déception ! La frustration, en revanche, a régné en 2021 : Michael Matthews, 2e de la première étape à Landerneau et 2e du classement par points, n’a pas trouvé l’ouverture, et Esteban Chaves est resté dans l’ombre au classement général pour finir 13e. Mais Matthews a su rebondir en 2022 pour obtenir à Mende une victoire teintée d’un immense courage, venue après celle de Dylan Groenewegen au Danemark puisque l’équipe a retrouvé son ADN en embauchant un top sprinteur et avant de rappeler Caleb Ewan, son produit de la ferme.
Comme son frère Adam en 2016, Simon Yates a signé en 2023 le meilleur classement final de l’histoire de l’écurie australienne : 4e, avec une pointe de regret d’avoir été devancé par son jumeau (passé chez Ineos Grenadiers puis UAE Team Emirates), tant au général qu’au terme de la première étape, à Bilbao où ils ont signé un doublé qui restera dans les annales