Pogacar, la classe supérieure

En ajoutant un troisième titre à son palmarès, qui plus est en signant un doublé Giro-Tour qui n’avait pas encore été réalisé au XXIe siècle, Tadej Pogacar prend une nouvelle dimension dans l’histoire du cyclisme. Les six étapes qu’il a conquises sur sa route, une moisson qui n’avait plus été observée depuis le succès de Bernard Hinault en 1979 (7 étapes), racontent de quelle façon le champion slovène a mis à distance Jonas Vingegaard (2e à 6’17’’) et Remco Evenepoel (3e à 9’18’’) pour construire son sacre.

Le Résumé Long - Étape 21 - Tour de France 2024

Elle est bien facile, la petite prophétie énonçant « jamais deux sans trois », utilisée à toutes les sauces et dans tous les domaines, comme s’il y avait une forme d’automatisme, une évidence à cette répétition. Allez-dire cela aux treize double-vainqueurs qui n’ont jamais réussi à passer la troisième, d’Ottavio Bottecchia à Laurent Fignon (ah, les huit secondes !!), en passant par Gino Bartali, Fausto Coppi ou Bernard Thévenet. Et parmi les neufs auteurs de triplés, un seul dans l’histoire du Tour a réussi à réaliser cet exploit avant de fêter ses 26 ans, initiales « TP », comme « Tout Premier »… vous l’avez ?  

« Total Perfection », c’est aussi la façon dont Tadej Pogacar a résumé les trois semaines de course qui lui ont permis d’inscrire son nom sur une troisième ligne du palmarès du Tour de France, après avoir accepté, toujours avec le sourire mais sans cacher sa frustration, la domination de Jonas Vingegaard les deux éditions précédentes. Le défi de « Pogi » était pourtant accompagné d’incertitudes au départ de Florence, cinq semaines après avoir triomphé sur le Giro, et surtout confronté à un contexte de concurrence bien différent de tout ce qu’il a pu connaître avant. Son aîné slovène ayant changé d’écurie, Primoz Roglic, tout frais vainqueur du Dauphiné, redevenait un adversaire à part entière, tandis que Remco Evenepoel s’annonçait comme un rival dont il fallait tout redouter. Quant à Vingegaard, « il ne serait pas là s’il n’était pas prêt », estimait le leader des UAE Emirates dans le cadre majestueux du Palazzo Vecchio.  

« Tutti Piano », c’est à peu près le rythme sur lequel le maestro a joué en Italie, pour l’ouverture de son récital. Mais en franchissant la frontière française pour monter au Galibier, Pogacar a sérieusement commencé à affirmer son territoire. Déjà, sa « dream team » d’UAE Emirates mettait en place un essorage méthodique qui allait devenir habituel, en préparation des tirs en rafales de leur leader, qui cette fois-ci n’utilisa qu’une seule cartouche à 800 mètres du sommet. Une fois à Valloire, le Maillot Jaune avait éloigné Evenepoel à 45’’, Vingegaard à 50’’ : un début de campagne immédiatement identifié comme... « Très Prometteur ».

21/07/2024 - Tour de France 2024 - Étape 21 - Monaco / Nice (33,7 km CLM) - POGACAR Tadej (UAE TEAM EMIRATES)
21/07/2024 - Tour de France 2024 - Étape 21 - Monaco / Nice (33,7 km CLM) - POGACAR Tadej (UAE TEAM EMIRATES) © A.S.O./Billy Ceusters

Le « Tsar Pyrénéen » n’a pas manqué sa cible, s’imposant à deux reprises et quittant son massif pour profiter d’une journée de repos avec plus de trois minutes d’avance sur Vingegaard.

Une semaine sur le Tour sans victoire, c’est très long pour un Tadej Pogacar en pleine forme. Et cette année, la disette est même passée par deux places de deuxième, battu en chrono par le champion du monde en Bourgogne, qui se rapprochait alors à 33’’, puis pour la première fois au sprint par son meilleur ennemi au terme d’une étape de montagne achevée en duel au Lioran. « Tant Pis », a dû pour une fois se dire le gamin de Komenda, car la panique, ce n’est pas le style de la maison. Surtout, le Maillot Jaune avait bien à l’esprit que son heure viendrait, qu’il serait certainement en mesure de frapper un peu plus fort une fois le week-end venu. Le rendez-vous était fixé au Pla d’Adet, où il avait déjà quelques habitudes, et au Plateau de Beille. Comme souvent, le « Tsar Pyrénéen » n’a pas manqué sa cible, s’imposant à deux reprises et quittant son massif pour profiter d’une journée de repos avec plus de trois minutes d’avance sur Vingegaard, plus de cinq minutes sur Evenepoel, et Roglic rentré prématurément à la maison. Avec au total sept étapes conquises dans les Pyrénées, Pogacar s’est tout simplement imposé sur plus de la moitié des parcours montagneux qui y ont été proposés depuis 2020 !  

L’affaire semblait bien embarquée pour l’objectif principal, mais la tentation d’ajouter à sa collection une étape de prestige incluant une escalade à 2802 mètres pour franchir la Cime de la Bonette était trop forte pour laisser Pogacar indifférent. Son coup de force en montant à Isola 2000 à 9,5 km de la station, ni Vingegaard, ni tous les rescapés de l’échappée qui tentaient d’y croire ne sont près de l’oublier. Voilà qui salait un peu plus l’addition pour ses deux poursuivants. Les Visma-Lease a Bike ont voulu tenter une revanche au col de la Couillole. Mal leur en a pris, ils ont au final exposé leur leader à un nouveau coup de fusil de « Pogi », presque contraint malgré lui d’aller cueillir sa cinquième étape de l’année. Enfin, la perspective de s’imposer à domicile, avec des jambes de feu qu’il s’est en partie aiguisées en montant et en descendant dans tous les sens au col d’Eze à l’entraînement, voilà un ultime défi qui semblait à la hauteur du tempérament et de l’énergie qu’il restait encore au Maillot Jaune pour le chrono dessiné entre Monaco et Nice. Le sixième acte victorieux, c’est à la fois le paraphe et le symbole de sa domination sur le Tour 2024. Il parait que dans le peloton, on l’appelle le « Tout Puissant ».

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