À l’avant-veille du coup d’envoi, les coureurs du 110e Tour de France ont l’occasion de rencontrer pour la première fois le public basque, attendu en masse au pied du Musée Guggenheim de Bilbao pour la cérémonie de présentation des équipes qui les dirigent un peu plus vers le vif du sujet.
Les derniers préparatifs consistent aussi pour les champions à s’exprimer sur les objectifs à réaliser au cours des trois semaines qui viennent. Certains sont d’emblée intéressées par le premier Maillot Jaune, qui sera remis à l’arrivée de l’étape de Bilbao, notamment cochée par le double champion du monde Julian Alaphilippe.
Les sprinteurs devront patienter avant de pouvoir s’exprimer pleinement sur les routes, mais les collectionneurs de victoires comme Jasper Philipsen, Dylan Groenewegen et Fabio Jakobsen sont déjà concentrés.
Le Grand Départ de Bilbao marque également le retour sur la Grande Boucle d’Egan Bernal, le troisième ancien vainqueur de l’épreuve présent dans le peloton avec Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar.
22 ÉQUIPES, LES COMPTES D’AVANT-TOUR
Si la liste officielle des partants ne sera publiée que dans la journée de vendredi, les 22 équipes présentent des états de service très variés sur la Grande Boucle.
. Cinq d’entre elles (sous leurs différentes appellations tout au long de l’histoire de chaque structure) ont déjà remporté au moins une fois le Tour de France : Movistar et Ineos Grenadiers (7), Astana et UAE (2), Jumbo-Visma (1).
. Jumbo-Visma détient largement le record de victoires d’étapes : 70.
. L’équipe néerlandaise se classe 2e au décompte des participations (39), derrière Movistar (40) et devant Lotto-Dstny (36).
. Ineos Grenadiers mène le classement du nombre de jours avec le Maillot Jaune (91) devant Movistar (79) et Jumbo-Visma (45).
. Uno-X est la seule néophyte cette année, mais des habituées de la course n’ont encore jamais remporté d’étape (Intermarché-Circus-Wanty et Arkea-Samsic) ou porté le Maillot Jaune (Intermarché-Circus-Wanty, Arkea-Samsic, Bahrain Victorious et Israel-Premier Tech).
QUI POUR LE PREMIER MAILLOT JAUNE ?
Il y a bien davantage qu’un bouquet de prestige à aller chercher en bordure du Parc Etxebarria à Bilbao, juste après avoir accordé un clin d’œil au musée Guggenheim, samedi en fin de journée. Le premier Maillot Jaune du Tour, voilà un honneur qui se mérite. Et il est probable que son sort se décidera dans la côte de Pike, un mur dont la pente dépasse les 15 % dans les 500 derniers mètres, et où se profile donc un appétissant concours de puncheurs. Dans le registre, Julian Alaphilippe présente les références les plus sérieuses qui soient, et assume volontiers l’objectif de se lancer à l’assaut du Maillot Jaune : « J’ai toujours du punch, revendique le triple vainqueur de la Flèche Wallonne. Mais dans la côte de Pike il y aura trois grands mousquetaires, je parle bien sûr de Pogacar, Van der Poel et Van Aert. Moi, par rapport à eux je suis maintenant un petit mousquetaire. Mais je connais bien cette montée et elle me correspond ». Au-delà des rivaux cités par « Alaf », la côte de Pike intéresse bien d’autres coureurs explosifs. Tom Pidcock s’avance prudemment dans cette direction : « Les écarts seront certainement minimes et dans la côte, les leaders se retrouveront dans un petit groupe. Ce qui veut dire qu’un attaquant pourrait sortir en solitaire pour aller s’imposer sur la ligne d’arrivée… mais je n’en suis pas sûr ! ». La dernière difficulté de l’étape pourrait aussi être exploitée par ceux qui la connaissent le mieux, à savoir les Basques du peloton emmenés par le 3e de la dernière Flèche Wallonne, Mikel Landa. Interrogé sur le sujet, Ion Izagirre imagine aussi d’autres Basques tenter d’aller chercher une gloire éternelle : « l’éventail de candidats est très large, mais en étant réalistes les coureurs basques qui ont les meilleures chances sur cette étape sont selon moi Alex Aranburu et Pello Bilbao ».
EGAN BERNAL, LE RETOUR
La journée du 24 janvier 2022 a bouleversé le destin d’Egan Bernal, lorsqu’il a violemment percuté un autobus à l’entraînement en Colombie. Mais après 18 mois de soins et de reconstruction, le vainqueur du Tour de France 2019 a retrouvé une vie de cycliste professionnel et a été jugé capable de se présenter au départ de la 110e édition, après un Critérium du Dauphiné qu’il qualifie lui-même de « pas trop mal », achevé à la 12e place. Pour autant, c’est un saut dans l’inconnu qu’effectue le Colombien : « Ce sera mon premier grand tour depuis très longtemps et je ne sais pas à quoi m’attendre. Je vais essayer de ne pas perdre trop de temps sur les premières étapes et la suite de la course dépendra de mes sensations, de mes jambes. L’équipe m’a donné carte blanche ». L’effectif d’Ineos se présente en effet avec Tom Pidcock et Carlos Rodriguez en capacité de représenter l’équipe dans les hauteurs du général, permettant à Bernal de faire évoluer ses aspirations personnelles en fonction des événements : « Je suis simplement heureux d’être là, et arriver à Paris serait déjà fantastique. Et bien entendu, j’aimerais retrouver mon niveau d’avant et pouvoir me comparer à ceux qui sont maintenant mes meilleurs cyclistes du monde ».
LES MOVISTAR, AVEC L’AVANTAGE DU TERRAIN
L’unique formation espagnole sur le Tour est basée en Navarre, à moins de deux heures de route du centre de Bilbao, et joue donc quasiment à domicile sur ce Grand Départ. « L’année dernière au Danemark, les Danois étaient favorisés, se souvient avec un sourire Enric Mas. Cette année c’est à notre tour de profiter de notre parfaite connaissance des routes de la région ». Le leader de l’équipe, qui est allé chercher sa première ligne de palmarès sur une étape du Tour du Pays Basque, affirme avoir repris de la vigueur et affiche des ambitions maximales : « Le Dauphiné a été un désatre pour moi à cause de problèmes d’estomac mais heureusement j’ai récupéré. Les supporters espagnols attendent que Carlos Rodriguez, Mikel Landa ou moi arrivent à faire vaciller Pogacar et Vingegaard. Ce ne sera pas facile, mais je crois que ce n’est pas impossible non plus ». Le défi étant de taille, Movistar prévoit également de viser des étapes, « en envoyant des coureurs dans les échappées ». Enric Mas fait ici allusion à des coureurs comme Matteo Jorgenson, Gregor Mühlberger, Ruben Guerreiro ou Alex Aranburu, qui tenteront de succéder à Nairo Quintana, dernier vainqueur d’étape avec un maillot de Movistar à Valloire en 2019.
LES SPRINTEURS DANS LES STARTING-BLOCKS
Huit étapes ont été identifiées par le règlement du Tour de France comme des cibles à privilégier pour les sprinteurs du peloton. Ces fonceurs de la dernière ligne droite prendront certainement leur mal en patience au Pays Basque espagnol, mais devraient être concernés dès la première arrivée sur le territoire français à Bayonne. On y attendra très certainement Jasper Philipsen, double vainqueur d’étape l’année dernière à Carcassonne et sur les Champs-Elysées, et qui s’est notamment imposé sur les routes de Tirreno-Adriatico et du Tour de Belgique cette année. Les sprints sont dans le viseur de sa formation Alpecin-Deceuninck, mais aussi de Soudal-Quick Step qui table sur Fabio Jakobsen. Le champion d’Europe a gagné à deux reprises sur le Tour de Belgique et s’affirme prêt à en découdre : « Ce sera peut-être notre heure à Bayonne, mais plus sûrement à Bordeaux pour un pur sprint… personne ne sait comment cela se passera ». Parmi les sprinteurs présents sur le Tour, Dylan Groenewegen domine les bilans avec 6 bouquets récoltés cette année comme Philipsen : « Mais il y a de la concurrence et la plupart d’entre nous sommes très proches en termes de niveau, donc ce serait sympa de les battre ». Le Néerlandais a bien sûr à l’esprit Caleb Ewan, un autre vainqueur des Champs-Elysées, qui dispose d’une équipe Lotto-Dstny quasi-entièrement dédiée à sa cause. Dans une moindre mesure, c’est aussi un enjeu prioritaire pour Astana de chasser pour Mark Cavendish une 35e victoire d’étape sur le Tour. Après avoir déjà gagné à Bordeaux en 2010, le Britannique a peut-être coché cette case…