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Pour l’an 2000, faux-départ dans les îles (9/10)

Lors des années de bascule de décennie, le Tour de France a quelquefois connu des changements organisationnels, vécu en coulisses des événements dont la portée s’est révélée décisive… ou est restée anecdotique. Le voyage dans le temps proposé par letour.fr se poursuit avec les préparatifs du Tour de France 2000, pour lequel un départ spectaculaire depuis la Guadeloupe, à près de 7 000 km de la capitale, avait été envisagé et même préparé dans le détail. Il n’a pas manqué grand-chose pour que le parcours du Tour propose une transatlantique.

CYCLISME - TOUR DE FRANCE 2013 - 2013
pescheux (jean francois)
CYCLISME - TOUR DE FRANCE 2013 - 2013 pescheux (jean francois) © PRESSE SPORTS

Au milieu des années 90, la perspective de l’an 2000 stimule autant qu’elle inquiète. Pour le Tour de France, l’échéance est surtout excitante, elle offre l’occasion de construire un parcours qui se distingue. Les bonnes idées ne manquent pas, mais l’une d’entre elles fait mouche, d’autant qu’elle descend directement du sommet de l’État. Jacques Chirac a glissé à l’oreille de Jean-Claude Killy, alors président d’A.S.O., qu’il soutiendrait de tout son poids un départ du Tour des Dom-Tom et en particulier de la Guadeloupe, la collectivité étant alors dirigée par l’une de ses fidèles, Lucette Michaux-Chevry. Il se trouve que de tous les territoires d’outre-mer, c’est aussi celui où le cyclisme y est le plus pratiqué, avec notamment une génération de pistards qui parviennent à percer et un Tour cycliste bien ancré dans le paysage sportif depuis sa création en 1948.

Pour le patron du Tour, Jean-Marie Leblanc, ce projet d’apparence farfelu méritait toutes les attentions : « L’idée me plaisait, car il fallait quelque chose de fort pour l’an 2000. Le symbole était puissant, c’était une bonne façon de montrer que les Dom-Tom font bel et bien partie intégrante de la République ». Dès lors, des réunions se montent et des voyages de reconnaissance sont organisés pour évaluer la faisabilité du projet. Jean-François Pescheux, alors directeur des compétitions, a été le plus régulier de ces excursions pour creuser le dossier dans tous ses détails : « la grande problématique, c’était d’apporter le moins possible de matériel sur place. Nous avions décidé de ne pas faire de prologue pour éviter le transport des vélos de chrono, d’autoriser une seule voiture par équipe et faire circuler une caravane publicitaire très réduite. En ce qui concerne le parcours c’était intéressant, avec une étape de plaine sur Grande-Terre et une étape plus vallonnée sur Basse-Terre, les deux avec une arrivée identique située à proximité de l’aéroport de Pointe-à-Pitre ». Car le deuxième enjeu de cette escapade antillaise du Tour, c’était de réussir à « réduire la distance » et les effets du décalage horaire avec l’hexagone.

Le « plan Guadeloupe » était conditionné à une considération logistique de taille : seule l’utilisation du Concorde pour le transfert des coureurs permettait de respecter le timing.

Pour perturber le moins possible les organismes des coureurs, il s’agissait d’arriver sur l’île le plus tard possible et d’en repartir au plus vite. Et pour gagner une vingtaine de minutes supplémentaires, le retour en Europe était envisagé à Brest. Dans l’emploi du temps conçu par Pescheux, tout le monde devait y trouver son compte : « si nous programmions la deuxième étape pour une arrivée à midi, soit 16h en métropole, les coureurs pouvaient être couchés à leur hôtel à Brest à minuit et le lendemain on leur préparait une courte étape jusqu’à Quimper, avec environ 120 kilomètres, Dans ces conditions, il n’y avait rien d‘insurmontable ». Pour les hébergements, la Guadeloupe ne manque pas de capacités hôtelières, tandis que le dispositif de production TV avait déjà été dessiné à gros traits par Philippe Sudres, directeur de la communication d’A.S.O. et à l’époque en charge des relations avec les diffuseurs : « pour tout le matériel lourd, par exemple les hélicoptères qui filment la course, l’idée était de les faire venir de Floride ».

Toutefois, le « plan Guadeloupe » était conditionné à une considération logistique de taille : seule l’utilisation du Concorde pour le transfert des coureurs permettait de respecter ce timing. Ce sont donc les échanges avec la compagnie aérienne Air France qui se sont révélés décisifs, se souvient Pescheux : « Une réunion avait été organisée avec le Ministre des transports, et nous avions conclu qu’il nous fallait six Concorde pour suivre ce planning. Or, ils n’en avaient pas autant et ne pouvaient pas se permettre d’interrompre complètement leur exploitation pour nous. C’est dommage, parce que ça aurait été incroyable de montrer grâce au Tour que les Antilles sont si proches ». À l’époque, les possibilités de dérogation pour l’ajout d’une journée de repos ou la tenue d’une première étape le vendredi, qui ont par exemple permis au Giro d’Italia de s’élancer d’Israël (2018) et à la Vuelta a España des Pays-Bas (2009), n’étaient pas encore envisagées pour ce type de projets. Privé de cocotiers, le peloton du Tour 2000 a finalement été réuni au Futuroscope de Poitiers, ou un prologue avait vu la révélation d’un jeune rouleur d’avenir, David Millar, porteur du premier Maillot Jaune du XXIe siècle pour sa découverte du Tour.

À découvrir ou à relire, les épisodes précédents de la série :
. 1980 : Hinault met un genou à terre (8/10)
. 1970 : Leblanc, un équipier à fort potentiel (7/10)
. 1960 : Quand la Grande Boucle salut le Grand Charles (6/10)
. 1950 : divorce à l’italienne (5/10)
. 1940 : Tour d’absence (4/10)
. 1930 : le Tour fait sa révolution (3/10)
. 1920 : les « sportsmen » selon Desgrange (2/10)
. 1910 : Alphonse Steinès, le grand bluff (1/10)

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