Du mouvement sur tous les tableaux

Double maillot distinctif, comme Merckx
Il n’en reste donc qu’un. Parmi les membres du « Big Four », Chris Froome a imposé sa supériorité à des adversaires davantage qu’à des rivaux, qui se sont rarement retrouvés en mesure de lui contester le Maillot Jaune. Au total, le Britannique l’a porté sur 16 des 21 étapes au programme, en l’endossant pour la première fois au Mur de Huy, où la hiérarchie finale était déjà dessinée à gros traits. Froome succédait alors à Fabian Cancellara, dont le 30ème et probable dernier jour en jaune a tourné au calvaire sur une chute, puis au renoncement. Le locataire suivant du fauteuil de leader n’a eu guère plus de réussite, puisqu’après sa victoire inattendue à Cambrai, Tony Martin n’a enfilé que deux jours le Maillot Jaune si chèrement conquis, jusqu’à sa fracture de la clavicule dans le final de l’étape du Havre. Trois jours plus tard, c’est avec le soutien de ses coéquipiers que Froome résistait à Plumelec à la menace la plus pressante de Tejay van Garderen, l’Américain ne se rapprochant que d’une seconde avec la victoire de BMC.
 
Finalement, c’est bien Nairo Quintana, le favori des bookmakers au départ de ce Tour réputé pour grimpeurs, qui a apporté la contradiction au « Robotico Britanico » sur les étapes alpestres. Les offensives du Colombien ont fait descendre son retard de 3’10’’ à 1’12’’, soit le plus petit écart entre les deux premiers du classement général depuis 2008. Toutefois, le rapproché du leader de Movistar n’a pas fait vaciller Chris Froome. Par rapport à son titre conquis sur la 100ème édition, il ajoute même le maillot à pois, qui n’avait plus été remporté par le vainqueur du Tour de France depuis… Eddy Merckx en 1970 ! Ce n’est qu’au soir de l’étape de l’Alpe d’Huez que le classement des grimpeurs a connu son vainqueur. Auparavant, il avait été dominé par Daniel Teklehaimanot, premier porteur d’un maillot distinctif pour le compte d’une équipe africaine, MTN-Qhubeka. Le coureur érythréen a dû s’effacer au soir de la victoire de Froome à La Pierre-Saint-Martin, puis le maillot à pois est devenu l’objectif de Joaquim « Purito » Rodriguez et de Romain Bardet, suite à sa victoire Saint-Jean-de-Maurienne. Il lui aurait fallu terminer dans le trio de tête à l’Alpe pour conserver le maillot à pois qu’il portait ce jour-là par procuration.
 
Sagan récite son maillot vert
Il y a plusieurs façons de s’attaquer au maillot vert et de se l’approprier. Peter Sagan en a expérimenté plusieurs, en commençant par la plus évidente lors de sa découverte du Tour en 2012, à savoir remporter des étapes.  Reparti avec trois bouquets cette année-là, le Slovaque soignait son palmarès en 2013 avec un succès à Albi… le dernier en date. Car depuis, l’acrobate du peloton s’est arrogé une autre spécialité sur le Tour, avec la collection contre son gré des deuxièmes places, que ce soit au terme de sprints groupés ou en conclusion d’échappées. Sagan ne s’est accordé aucun répit dans sa chasse à l’étape (et aux sprints intermédiaires). Et parmi les cinq arrivées  où il a dû ravaler sa déception (10 dans le Top 5 au total), il est possible de repérer celle qui peut lui laisser le plus de regrets : peut-être pas derrière Greipel, en Zélande et à Amiens ; un peu plus au Havre où il a été devancé par Stybar, ou à Gap par Plaza ; assurément à Rodez, quand l’autre empileur d’accesits du peloton mondial, Greg Van Avermaet lui a résisté dans les derniers mètres. Quoi qu’il en soit, en même temps que sa maîtrise du barème du classement par points et des stratégies pour le dominer, le coureur de Tinkoff-Saxo a aussi développé son sens du sang-froid. Depuis le temps qu’on le compare à Sean Kelly, Sagan se montre déjà ravi de pouvoir l’égaler avec un vestiaire garni de quatre maillots verts. Et il n’a que 25 ans…
 
Comment donc allaient s’y prendre les coureurs allemands pour essayer de rééditer, sans Marcel Kittel, leur performance collective de 7 victoires en 2014 ? L’objectif était très haut perché, mais la délégation a pu s’appuyer sur André Greipel pour prendre le relais et assumer le rôle de meilleur sprinteur du Tour. Sur cinq sprints disputés, le Gorille s’est imposé quatre fois, dont la prestigieuse étape des Champs-Elysées. Pour compléter le butin national, il a été aidé par Tony Martin à Cambrai, et par Simon Geschke, vainqueur surprise de l’étape de montagne de Pra-Loup. Avec 6 victoires, le compte n’y est pas, mais une analyse un peu plus fine montre que les 11 engagés venus d’outre-Rhin auraient pu frapper encore plus fort : John Degenkolb, vainqueur de Milan - San Remo et de Paris-Roubaix, a manqué le coche à plusieurs reprises, tandis que Tony Martin a échoué juste derrière Rohan Dennis sur l’unique chrono individuel, à Utrecht.
 
Bardet et Pinot, pour le 3-3 avec le Royaume-Uni
En comparaison, les coureurs français ont plutôt bien saisi les opportunités qui leur étaient offertes, après un début de Tour qui les a rapidement exclus des hauteurs du classement général. Alexis Vuillermoz, en vue au Mur de Huy, a surtout été payé de son audace et de sa puissance en s’imposant à Mûr-de-Bretagne. Il a ensuite été imité dans les Alpes par les deux grimpeurs du futur : Romain Bardet y a ajouté des talents de descendeur pour gagner à Saint-Jean-de-Maurienne, tandis que Thibaut Pinot résistait au retour de Quintana pour lever les bras à l’Alpe d’Huez. Le duo compensait ainsi la déconvenue subie en Lozère, lorsque Steve Cummings surgissait à Mende pour les coiffer sur l’aérodrome.  C’est notamment grâce à ce succès, également le premier pour une formation africaine, que le Royaume-Uni  se classe aussi parmi les nations à trois victoires (Cavendish à Fougères, Froome à la Pierre-Saint-Martin), un rang où se trouve également l’Espagne (Joaquim Rodriguez à Huy et au Plateau de Beille, Ruben Plaza à Gap).
 
L’Espagne est sortie par le haut du zéro pointé de 2014 grâce à deux coureurs évoluant chez Katusha et Lampre-Merida, mais sa formation Movistar peut également regarder avec fierté son parcours sur le Tour 2015. Bien que Quintana soit passé à côté de son « sueño amarillo » pour terminer la course en blanc pour la seconde fois, il est accompagné sur le podium par Alejandro Valverde, qui signe son meilleur résultat sur le Tour. Le tir groupé s’accompagne aussi d’une victoire au classement par équipe, les deux pilotes de pointe n’ayant jamais manqué d’un troisième homme capable de soigner leur position dans la hiérarchie collective.

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