Après un ancien vététiste, c'est un pistard de formation qui remporte le Tour de France, en faisant valoir une maîtrise aboutie de l'exercice chronométré, doublée d'une constance jamais prise en défaut sur tous les autres terrains. Les deux premières victoires d'étapes de Bradley Wiggins, à Besançon et à Chartres, lui ont valu une marge de près de deux minutes sur son dauphin, qui n'est autre que son principal soutien, Christopher Froome. C'est en grande partie sur le renfort de ce Kényan blanc qu'il a pu compter pour répondre et résister, toujours avec sang-froid, aux assauts répétés mais souvent timides de ses opposants. L'analyse du classement général final reflète dans les moindres détails les capacités et les limites des contradicteurs éclipsés par Wiggins : le plus entreprenant d'entre eux, Vincenzo Nibali, n'a jamais pu reprendre la moindre seconde au chef de file des Sky, ni en montée, ni en descente. L'Italien paye également sa relative faiblesse contre la montre, qui le relègue à 6'19'' de la plus haute marche, mais ne boude pas le plaisir d'avoir maintenant atteint le podium des trois grands Tours.
Cavendish, Sagan, Greipel :
3-3-3, avantage Slovaquie !
En plus des deux premières places du classement général, l'effectif de Sky peut se féliciter d'un sans-faute qui lui permet de gonfler un peu plus encore les pectoraux, avec 6 étapes remportées sur 21 jours de course. Celle de Froome à La Planche des Belles Filles, moins attendue mais tout aussi spectaculaire que les chronos dominés par Wiggins, a fait surgir un nouvel homme fort du Tour, dont le finish promet aussi des coups d'éclat sur les routes belges au printemps. Et les trois victoires de Mark Cavendish -son plus petit score sur un Tour complet, diront les fines-bouches-, conquises sans le confort des trains de première classe qui le déposaient anciennement de gare en gare, complètent un tableau royal.
Invaincu sur les Champs-Elysées, « Cav » a toutefois senti dans son dos le souffle d'un rival annoncé (peut-être dès cette fin de semaine aux JO), qui a déjà commencé par enfiler le maillot vert auquel il s'était accoutumé l'an dernier. Pour son premier Tour de France, Peter Sagan a répondu bien au-delà des attentes placées en lui. Intraitable sur les arrivées placées au sommet d'une bosse, comme à Seraing et à Boulogne, il a montré qu'il pouvait également devancer sur le plat les sprinteurs les plus puissants comme Greipel et Goss à Metz. Avec cette 3ème victoire d'étape, « Tourminator » prenait déjà le large au classement par points, mais n'a jamais cessé de se ruer sur les sprints intermédiaires et toutes les lignes d'arrivée à sa portée : à ses 3 bouquets, il ajoute 5 places dans le Top 5 des étapes du Tour ! Voilà pour l'explication des 141 points que Sagan a placés entre lui et son premier poursuivant pour le maillot vert, André Greipel. Le sprinteur allemand, troisième auteur d'un triplé sur le Tour 2012, s'est libéré de tout complexe face à Mark Cavendish et a su exploiter un train qui lui était dévoué sur les finish de Rouen, Saint-Quentin et du Cap d'Agde.
Thibaut Pinot, l'accompagnateur
le plus régulier du collectif Sky en montagne
S'il n'a pas encore tout à fait l'étoffe pour exister au classement général, Peter Sagan a encore trois ans pour s'attaquer au maillot blanc de meilleur jeune, remporté cette année par Tejay Van Garderen. Dans le clan BMC, l'élève a manifestement dépassé le maître. En chrono comme en montagne, le jeune Américain n'a montré aucune faiblesse, contrairement à Cadel Evans, qui n'a jamais été en mesure de défendre son titre. Au final, Van Garderen termine au 5ème rang de la hiérarchie. Personne ne peut affirmer avec certitude que les rênes par lesquelles le tenait Evans l'ont réellement empêché de viser plus haut. En revanche, le maillot blanc a contrôlé avec sérénité la concurrence dans sa catégorie. Il n'est pas certain qu'il garde très longtemps une distance aussi importante avec Thibaut Pinot (6'13''), signataire sur ce Tour d'une série de promesses aussi remarquable que celle de Peter Sagan. Le plus jeune coureur du peloton ne s'est pas contenté de remporter l'étape de Porrentruy. Pour défendre sa place dans le Top 10, il a ensuite été le plus régulier accompagnateur du collectif Sky, quand les Nibali, Van den Broeck, Van Garderen ou encore Zubeldia, tous devant lui au général, étaient tour à tour lâchés dans les ascensions (La Toussuire, Peyragudes…).
Le CV de Pyrénéiste de Voeckler :
Aubisque, Tourmalet, Aspin, Peyresourde !
Espoir du cyclisme français, Thibaut Pinot (10ème) voisine au classement général avec Pierre Rolland (8ème). Le maillot blanc du Tour 2011 devra combler des limites en contre-la-montre aujourd'hui rédhibitoires pour viser un podium, mais a largement rempli son contrat en montagne. Après l'Alpe-d'Huez l'année dernière, il remporte l'étape la plus exigeante du séjour alpin, à la Toussuire. Ce n'est pourtant pas lui qui bénéficie des honneurs du maillot à pois, pour lequel son coéquipier Thomas Voeckler s'est découvert une passion sur le tard. Le chasseur d'étapes a d'abord joué dans son registre en s'imposant à Bellegarde-en-Valserine. Puis lors de son deuxième coup d'éclat de l'année, en route vers Bagnères-de-Luchon, le leader d'Europcar a accroché à son CV de pyrénéistes les noms des cols les plus prestigieux, et engrangé les points qui vont avec : Aubisque, Tourmalet, Aspin et Peyresourde. N'en jetez plus, le compte est bon !
Au total, huit formations ont remporté une ou plusieurs étapes sur le Tour, les Espagnols Luis-Leon Sanchez et Alejandro Valverde ayant sauvé leurs équipes respectives, Rabobank et Movistar, d'un Tour de France marqué par les désillusions. Pour les 14 autres, les efforts fournis pour peser sur la course n'ont guère été rétribués, hormis par le prix de super-combatif du Tour remis à Chris-Anker Sorensen.